Du Patrimoine en Impression 3D : une maquette pour malvoyants en PA blanc ! | 3D Printing Blog: Tutorials, News, Trends and Resources | Sculpteo

Du Patrimoine en Impression 3D : une maquette pour malvoyants en PA blanc !

Posted By Hannah Bensoussan on 14/09/2016 | 0 comments

L’Abbaye Saint-André, située près d’Avignon, est classée monument historique depuis 1947. D’un simple ermitage reculé au VIe siècle, ce site s’est transformé en une abbaye qui a rayonné au XIIIe et XIVe siècle. Détruite à la Révolution, puis utilisée comme hôpital et orphelinat, elle a été rénovée à partir de 1916 puis ouverte au public.

abbaye saint andré

Juste un siècle plus tard, l’histoire de l’Abbaye continue d’être mouvante et dynamique, puisqu’elle vient d’intégrer ce qu’il se fait de mieux en termes d’accessibilité pour personnes malvoyantes et non-voyantes : une maquette imprimée en 3D, représentant tout le site, bâtiments et jardins, et très détaillée. Un accomplissement en termes de médiation culturelle mais aussi en termes techniques, puisque sa conception et son impression en 3D ont nécessité l’utilisation de techniques innovantes.   

D’où vient ce projet de maquette pour malvoyants en impression 3D ? Comme a-t-on dépassé les obstacles pour le mener à bien ? Quelles ont été les relations entre les initiateurs du projet et les services de Sculpteo ? Une interview avec la coordinatrice du projet, Manon Sarthou, urbaniste spécialiste du patrimoine architectural, en charge des projets d’accessibilité pour l’association l’Illiade du Patrimoine.

 

1) Concept et modélisation de la maquette imprimée en 3D pour malvoyants

 

Sculpteo : Comment l’idée de créer cette maquette imprimée en 3D vous est-elle venue ?

Manon Sarthou : La maquette sert d’outil de médiation. Les malvoyants ont souvent, dans les monuments historiques, des plans thermoformés qui, bien que très pratiques, ne donnent pas beaucoup de détails. Ce que nous voulions réaliser était un objet qui permette aux malvoyants et non-voyants de vraiment se faire une idée du site, pas seulement le bâtiment, mais aussi les jardins, qui sont très beaux.

J’ai pris contact avec des maquettistes, mais ce qui était proposé était trop terne, et trop cher : les maquettes classiques pour malvoyants sont peu détaillées, assez grossières. Je voulais mieux.

 

Et une amie travaillant dans un cabinet d’architecture m’a parlé de l’impression 3D, et du service d’impression 3D en ligne proposé par Sculpteo. Cela m’a paru être la solution pour proposer une maquette détaillée à moindre coût. Je suis allée voir la maquette du Mont Saint-Michel faite par Sculpteo, celle qui est sur place et la copie qui est dans les locaux de Sculpteo. Je l’ai trouvée très belle, ça a fini de me convaincre.

 

S : Comment est-ce que vous avez réalisé le design 3D de la maquette ?

MS : La maquette du Mont Saint Michel était un plan en coupe, où on voyait les étages de l’église. Ce n’était pas ce que je voulais : je voulais tout le bâtiment, avec les détails de la façade et des jardins. On avait déjà tous les plans architecturaux, mais pas les cottes des jardins. On a mesuré manuellement, on a pris des photos, fait des films en commentant le relief, on a même acheté un drone pour prendre des photos d’au-dessus !

 

Nous avons réfléchi à comment combiner la prise en mains pratique par les personnes non-voyantes et le respect des dimensions réelles : par exemple, si nous avions respecté les dimensions des allées du jardin, elles auraient été trop étroites pour y passer le doigt, nous les avons donc à peine élargies pour qu’on puisse s’y “promener tactilement”.

3D printed model

Nous avons trouvé un architecte, Alexis Didier Lambert, diplômé de l’école de Bruxelles, qui a pris en charge le design 3D. Il a récupéré toutes les informations que nous avions recueillies à la main, et les a complétées en venant sur place. Il n’était pas très familier avec Sketchup, mais se l’est approprié très vite, avec l’aide des membres du service commercial de Sculpteo, en particulier Romain Renault. Alexis envoyait le design Sketchup régulièrement, Romain faisait des remarques, et le design progressait ainsi, avec des allers-retours. Sculpteo a trouvé un expert pour peaufiner le design, et il a également fait quelques corrections, en particulier pour ce qui est du respect des tailles minimales : certains éléments étaient trop fins pour l’impression 3D.

 

2) Les étapes et les challenges de l’impression 3D de la maquette

 

S : Comment avez-vous choisi le matériau pour l’impression 3D et quelles restrictions avez-vous rencontrées ?

MS : Nous avons choisi le Polyamide blanc (PA) sur les conseils de Romain. C’était le plus simple, le moins cher, en plus d’être résistant. Pendant un moment, nous avons hésité à construire la maquette en couleurs, mais cela aurait rajouté de la complexité et des coûts au projet, sans réel avantage.

Il y a eu une grosse réflexion quant à la quantité de détails à intégrer : comment donner le plus de ressentis spatiaux possibles aux mal-voyants, sans qu’il y ait trop d’éléments fragiles ? Encore une fois, c’est grâce aux conseils de Sculpteo que nous avons décidé de rester sobres dans les détails.

 

S : Quels ont été les challenges liés à cette impression 3D ? Quelles solutions l’équipe de Sculpteo vous a-t-elle proposées ?

MS : Le rapport avec l’équipe commerciale a été très riche et très fluide. Ça a été un très bel échange, vraiment. Certains prestataires sont plutôt averses aux risques et à l’inconnu, surtout en France [Manon vient du Canada, NDLR]. Là ce n’était pas le cas, quand ils étaient incertains de quelque chose, l’équipe de Sculpteo cherchait des solutions, avec toujours l’enthousiasme de dire “on y va !”, un côté entrepreneur et créatif.

3D printed model

Romain (gauche) et Alexis (droite) contemplant la maquette

Une question importante a été relevée : celle de couper l’abbaye en plusieurs parties. A la base, nous voulions qu’elle soit faite d’une seule pièce, mais Romain nous a averti du risque de gauchissement, en raison d’un design long et plat (c’est un danger en impression 3D : quand une pièce est longue et plate, elle a tendance à vriller pendant le refroidissement). J’ai longtemps hésité, mais finalement j’ai décidé de suivre ses conseils et de la faire en quatre morceaux, avec des systèmes ajoutés pour maintenir les morceaux ensemble. Cela nous a également permis de créer des renforts.   

Romain s’est aussi assuré que la maquette soit imprimée en production de weekend afin de laisser  un temps de refroidissement plus long et ainsi réduire au maximum les risques de gauchissement.

 

3) La vie de la maquette et sa rencontre avec le public et le lieu

 

S : Comment vit la maquette maintenant qu’elle a été imprimée ?

MS : La maquette est vraiment un très bel objet ! Elle trône dans une des salles principales, un endroit magnifique. Pour éviter qu’elle ne se salisse, nous la protégeons avec une bulle en plexiglas, que l’on soulève quand une personne mal-voyante ou non-voyante souhaite faire la visite.

Cela permet de conserver l’objet, agréable à regarder pour les voyants, et idéal pour permettre aux non voyants de visualiser le lieu.

Nous avons aussi ajouté des mots en braille à des endroits clés.

Pour l’instant, il n’y a eu que peu de visites pendant l’été : on n’a pas encore fait assez de communication sur cette maquette, à part quelques articles ici et là. Mais je commence à être contactée pour en parler à la radio, et dans des associations. Ça intéresse ! Les propriétaires et les quelques visiteurs non-voyants sont très satisfaits : c’est un objet très vivant !

3D printed model

 

S : Êtes-vous satisfaite d’avoir choisi un service d’impression 3D pour cette maquette ?  

MS : Oui ! Quand je suis venue à Villejuif récupérer la maquette, elle était exactement comme nous l’avions imaginée. Au final, nous sommes ravis de toutes les décisions qui ont été prises : le choix du blanc lui donne une sorte de pureté ; elle est très détaillée (plus qu’une maquette traditionnelle), mais pas trop, et donc elle n’est pas trop fragile ; la couper en plusieurs parties a également été une bonne décision, ça ne nuit pas du tout à l’objet final.

3D printed model for the visually impaired

Manon et Alexis avec la maquette

 

S : Qu’en est-il du budget pour ce projet ?

MS : Au total, le projet nous a coûté 5000€, en incluant le design par Alexis, la prise de cotes, les prestations de l’expert qui a corrigé le fichier STL, la protection en plexiglas qui l’entoure, les mots en braille rajoutées après coup, et l’impression 3D par Sculpteo, qui n’a représenté que 2400€… Alors qu’une maquette traditionnelle aurait coûté plus de 8000€ à elle seule, et aurait été moins belle et bien moins proche de nos standards et attentes.

 

S : Et après ? Quel(s) projet(s) futur(s) pour l’accessibilité culturelle imprimée en 3D ?

MS : Le Centre des Monuments Nationaux, qui est en charge du bâtiment adjacent, le Fort Saint André, serait éventuellement intéressé à élargir la maquette, et y intégrer le Fort : en réalité, c’est le même site !

 

Nous sommes en phase de recherche de financements pour aller plus loin. Avant, il y avait plus d’aides des collectivités territoriales pour l’accessibilité, et de possibilités de mécénats, mais cela devient difficile. Mais nous y croyons, puisque c’est un projet de haute qualité sans être financièrement désastreux. Du coup, nous cherchons du côté du financement participatif, avec le groupe Dartagnans Patrimoine.

 

 

Toute l’équipe de Sculpteo est ravie d’avoir suivi ce projet. Ce n’est pas tous les jours que le patrimoine culturel, les démarches d’accessibilité et l’impression 3D se rencontrent, et nous sommes heureux d’avoir été là et d’y avoir pris part ! Ce n’était pas notre première maquette, mais c’était la première dont le design était si long et plat. Nous sommes fiers d’avoir relevé le défi d’éviter le gauchissement qui menaçait !

Nous souhaitons le meilleur à Manon et son équipe dans la suite de son projet de combiner technologies à la pointe de la modernité pour rendre des sites centenaires accessibles à tous !

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