Interview avec Aurélien Mounier, un paléoanthropologue utilisant l’impression 3D | 3D Printing Blog: Tutorials, News, Trends and Resources | Sculpteo

Interview avec Aurélien Mounier, un paléoanthropologue utilisant l’impression 3D

Posted By Lucie Gaget on 03/07/2019 | 0 comments

Nous avons discuté avec Aurélien Mounier, chercheur au CNRS, travaillant également au Musée de l’Homme, à Paris. Ce dernier utilise la modélisation 3D, ainsi que l’impression 3D dans le cadre de ses recherches. Il partage avec nous quelques aperçu de son travail de paléoanthropologue et sa collaboration avec le service en ligne d’impression 3D de Sculpteo. Découvrez les opportunités offertes par la 3D au sein de son travail de recherche. 

 

  • Pouvez-vous vous présenter, et nous expliquer vos projets liés à la 3D ?

 

Je m’appelle Aurélien Mounier, je suis chargé de recherche au CNRS et je travaille au Musée de l’Homme à Paris au sein d’une unité mixte de recherche l’UMR7194 HNHP (Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique). Je suis paléoanthropologue, c’est-à-dire que mes recherches se concentrent sur l’étude de l’évolution humaine. Plus particulièrement, je m’intéresse à la partie finale de l’histoire de notre lignée : l’histoire du genre Homo qui commence il y a environ 2 millions d’années. Le genre Homo regroupe plusieurs espèces disparues (Homo habilis, Homo erectus, Homo ergaster, Homo heidelbergensis et Homo neanderthalensis par exemple) et notre espèce Homo sapiens. Toutes ces espèces humaines disparues, sont plus proches de nous que d’autres espèces comme par exemple les australopithèque.

 

Traditionnellement, les paléoanthropologues travaillent sur l’anatomie, la morphologie des os, parce que les os sont les principaux tissus qui se conservent dans l’enregistrement fossile. Nous faisons des comparaisons morphologiques entre les fossiles et les espèces actuelles comme les hommes, ou les chimpanzés. Depuis quelques décennies, la technologie nous permet de quantifier la morphologie des spécimens en utilisant des méthodes d’analyses qui prennent en compte l’ensemble de la morphologie en 3 dimensions. C’est pour cela que mon travail actuel passe la plupart du temps par une étape de numérisation des spécimens, pour pouvoir travailler sur des modèles en 3 dimensions.

 

  • Pourquoi utiliser la photogrammétrie pour la création de vos modèles 3D ?

 

Pour la numérisation, il existe de nombreuses options. Il est possible d’utiliser des scanners surfaciques, des scans issus de la tomographie ou des photographies qui peuvent être utilisées pour reconstruire la forme des objets en 3 dimensions. L’avantage de la photogrammétrie par rapport aux autres techniques se trouve d’abord dans son coût : un appareil photo de bonne qualité suffit pour effectuer la prise de données, et les logiciels de reconstruction 3D à partir des photos ne sont pas très chers. 

 

Ensuite, il est très facile de transporter le matériel nécessaire aux prises de vues, ce qui permet d’utiliser la photogrammétrie lors de missions dans des musées, mais aussi sur le terrain. Par exemple, je fais des fouilles archéologiques dans le nord du Kenya, l’Ouest-Turkana, c’est une zone désertique assez difficile d’accès, et sur le terrain, il n’y a pas d’infrastructures (routes, électricités…). Enfin, la photogrammétrie permet de créer des modèles 3d de qualité d’un point de vue de la forme, mais aussi du point de vue la texture de l’os, puisque le modèle est créé à partir de photos de bonnes qualités. Les modèles 3D ont l’air plus vrais que nature !

 

 

  • Quels logiciels 3D et outils 3D utilisez-vous, et pourquoi ?

 

Pour la photogrammétrie, j’utilise Metashape d’Agisoft, ce logiciel permet de créer des modèles 3D à partir de photos. Pour le traitement de ces modèles 3D avant analyse, j’utilise Meshlab, un logiciel open source. Les modèles 3D issues de la photogrammétrie (mais aussi ceux obtenus à partir de tomographie ou de scanners surfaciques) ont souvent des petits défauts qui peuvent être corrigés en utilisant ce logiciel.

Enfin, pour les analyses en tant que telles, j’utilise le logiciel R qui permet de faire des modélisations et des analyses statistiques.

 

  • Quelle place occupe la 3D au sein de votre travail ?

 

La 3D est très importante dans mon travail. Tout d’abord elle permet de ‘transporter’ facilement les spécimens fossiles que j’étudie, notamment ceux qui proviennent des fouilles que nous menons au Kenya : il est en effet impossible de ramener ces fossiles en France pour les étudier, leur numérisation me permet de les ramener virtuellement à Paris et de les étudier ici.

Ensuite, la plupart des analyses que je réalise désormais se font au travers de la géométrie morphométrique 3D. Ce type de méthodes permet d’étudier la forme intrinsèque des spécimens en se débarrassant de l’effet que la taille à sur la forme. Par exemple, deux spécimens d’une même population peuvent présenter des différences morphologiques importantes qui peuvent être dues à une différence de taille : si l’un des individus est très grand, sa morphologie sera nécessairement différente de celle d’un individu de taille normale. L’utilise de la morphométrie géométrique va me permettre de prendre en compte cet effet de taille et de travailler uniquement sur la forme intrinsèque des individus.

Depuis quelques années, je réalise des modélisations afin d’estimer la morphologie hypothétique des ancêtres d’une histoire évolutive. 

Ces modélisations se font dans un environnement en 3 dimensions, ce qui me permet de générer des ancêtres possibles qui sont de véritables ‘fossiles virtuels’. Ces fossiles virtuels peuvent ensuite être comparés à l’enregistrement fossile réel.

 

  • Pourquoi avoir décidé d’utiliser l’impression 3D ?

 

L’impression 3D est très importante dans l’étude de spécimens fossiles provenant de fouilles à l’étranger. En effet, une fois numérisés, ces individus peuvent être ramenés virtuellement en France pour étude, et l’impression 3D va me permettre de ‘reconstruire’ le fossile dans le monde réel. Par exemple, Sculpteo a récemment imprimé un fossile provenant d’un de nos sites au Kenya.

Ensuite, les ‘fossiles virtuels’ issus des modélisation sur lesquels je travaille peuvent aussi être imprimés. L’impression 3D me permet de leur donner vie et de les étudier comme s’il s’agissait de spécimens fossiles réels.

3D printed skull

Figure 2. Représentation de la phylogénie du genre Homo dans l’espace morphologique. En vert : les premiers représentants du genre Homo, en bleu les Homo neanderthalensis et à droite les populations d’Homo sapiens. Les modèles 3D représentent les ancêtres virtuels pour chacun des 3 groupes. 

 

 

  • Avez-vous déjà utilisé l’impression 3D pour de précédentes recherches, ou de précédents projets ?

 

En 2016 j’ai publié en collaboration avec le Professeur Marta Mirazón Lahr de l’Université de Cambridge une modélisation phylogénétique afin d’estimer les morphologies possibles de l’ancêtre commun des hommes modernes et des Néandertaliens. Le fossile virtuel le plus abouti, a été imprimé ce qui a notamment permis d’observer sa morphologie dans une démarche plus traditionnelle. Ce genre d’impression est aussi utile pour faire de la vulgarisation scientifique et intéresser le grand public à nos recherches.

 

  • Avec quels matériaux d’impression 3D travaillez-vous?

 

Avant de collaborer avec Sculpteo, j’imprimais en utilisant du filament PLA. Désormais les impressions sont produites par frittage laser.

 

  • Comment pensez-vous que l’impression 3D pourrait s’intégrer dans votre travail dans le futur?

 

J’aimerais pouvoir développer de façon plus large l’aspect grand public, notamment au travers d’impression de fossiles virtuels.

 

  • Pour finir: Parlez-nous de votre collaboration avec Sculpteo. Pourquoi collaborer avec un service d’impression 3D ? Comment notre équipe vous a t-elle aidé dans votre projet?

 

Pour toutes les raisons que j’ai évoqué précédemment, Sculpteo me permet de ramener dans la réalité les objets que nous numérisons. Si le travail de paléoanthropologues passe de plus en plus au travers d’un filtre numérique, il est important de se rappeler que nous sommes des anatomistes, et que la base de notre travail c’est la morphologie comparée. En imprimant des spécimens rares qui ne sont pas facilement accessible, nous ramenons l’os dans le processus d’analyse.

Enfin, avec l’impression de fossiles virtuels, nous créons littéralement des pièces nouvelles, qui représentent des morphologies possibles par lesquels l’histoire de notre espèce a pu passer.

 

Si vous avez un projet d’impression 3D, n’hésitez pas à charger votre modèle 3D sur notre service d’impression 3D en ligne dès maintenant!

 

 

Transférez un fichier
Transférez un fichier
Plus de contenu en anglais
En voir plus
Contenu disponible en
Archive