Impression 3D et pièces détachées: Discussion sur les bénéfices environnementaux
Posted By Stephany Vaussanvin on 09/09/2022 | 0 comments
Pour faire face aux enjeux environnementaux auxquels nous sommes tous confronté, les entreprises prennent de plus en plus leur part de responsabilités en s’orientant vers des solutions de production plus durables. Parmi elles, la production de pièces détachées, notamment par impression 3D, est de plus en plus sollicitée. Un atout économique pour le consommateur, mais aussi un outil efficace face à l’épuisement des ressources naturelles.
C’est dans ce context que Sylvain Haasser (Responsable Solutions Alternatives chez le groupe SEB), Pierre-Jacques Lyon (Co-founder & CEO de Marklix) et Nicolas Mathian (Head of Sustainability chez BASF) ont accepté de discuter de la production de pièces détachées et du rôle de la fabrication additive pour lutter contre l’obsolescence des stocks tout en visant de nouveaux objectifs de durabilité.
Quelles sont les pièces les plus produites / vendues / avec les plus de besoins?
Sylvain Haasser (Groupe SEB) : Sur l’ensemble de nos familles de produits, ce sont aujourd’hui les pièces d’aspirateur qui rencontrent le plus de succès. Les aspirateurs disposent de nombreuses pièces dont les sollicitations thermique ou mécanique sont modestes, et donc imprimables facilement et à coût réduit. Le prix de ces pièces détachées imprimées participe également à ce succès car il est aujourd’hui plus économique de réparer un aspirateur que d’en racheter un neuf. De manière plus générale pour le petit électroménager, les pièces les plus facilement réalisables et demandées en 3D sont des pièces détachées de petites et moyennes dimensions (inférieures à 15 cm environ). Depuis 2020, plus de 150 références de pièces fonctionnelles et techniques imprimées en 3D sont proposées à l’ensemble des réparateurs agréés du Groupe SEB dans le monde, avec la mention « pièce imprimée 3D certifiée par le fabricant ».
Pierre-Jacques Lyon (Marklix) : Nous avons remarqué que, chez les fabricants, ce sont prioritairement les pièces sans risques qui sont étudiées pour une production en FA. Pièces esthétiques ou ergonomiques et ne nécessitant pas une qualification poussée. Il y a également un besoin fort pour les pièces critiques, comme des pièces d’usine, l’aéronautique, l’oil and gas où chaque heure d’immobilisation peut coûter cher. Il y a alors un intérêt fort à pré-qualifier ces dernières. On peut également citer les pièces permettant de réparer ou redonner de la valeur à un objet cher, commeune voiture de collection.
Le choix des technologies et des matériaux ont-ils une influence sur l’impact environnemental ?
Sylvain Haasser (Groupe SEB) : Oui, cela a un impact, mais il n’est pas le même en fonction des besoins et moyens mis en œuvre. En raisonnant uniquement au niveau process et matière, certaines technologies sont plus coûteuses en énergie pour fabriquer une pièce que d’autres. Par exemple, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’injection plastique est moins consommatrice d’énergie que l’impression 3D à dépôt de fil (FDM), si la quantité de pièces produites est très importante. L’utilisation de plastique recyclé en tant que matière est aussi positive. Il existe aujourd’hui de nombreux fils plastique FDM fabriqués à partir de plastique recyclé, et certaines poudres pour les process SLS sont aussi fabriquées à partir de poudre recyclée ou d’origine naturelle. Il peut aussi parfois être plus pertinent de se tourner vers des process utilisant des résines photo-polymérisable tel que le SLA/DLP, qui feront des pièces certes non recyclables, mais qui offriront une plus grande résistance thermique et mécanique que la majorité des autres process d’impression 3D plastique. Le choix des technologies est donc une question d’équilibre dont la chaîne devaleurs toute entière doit être prise en compte.
Nicolas Mathian (BASF) : Nous menons des études sur ces sujets, et avons observé qu’il est difficile de donner une réponse générale à cette question, étant donné que l’impact est assez dépendant de la pièce. En revanche, nous avons observé que certaines technologies et surtout certains matériaux, qui peuvent être issus de matières biosourcées, ou recyclées permettent de réduire l’empreinte carbone de la fabrication de pièces de façon significative. Nous observons également que les technologies filaments et résines (photosensibles) sont les plus performantes dans la famille des matériaux plastiques.
Pierre-Jacques Lyon (Marklix) : L’utilisation d’imprimantes à granulés me semble être une bonne option pour réduire l’impact environnemental des matériaux utilisés en FA. Il faudrait-être capable de comparer la vitesse d’impression de chaque technologie, avec leur consommation d’électricité et l’impact de leurs matériaux compatibles pour avoir une bonne première estimation ?
Réparer au lieu de jeter, c’est économiser combien ?
Sylvain Haasser (Groupe SEB) : D’un point de vue environnemental, réparer plutôt que jeter, c’est lutter contre l’épuisement des ressources naturelles. Pour le consommateur, nous avons lancé une nouvelle initiative pour les inciter à réparer même au-delà de la période de garantie lorsque le coût leur incombe, avec une offre de réparation forfaitaire. Le prix de la réparation est alors au maximum de 40 % du prix du produit neuf.
Nicolas Mathian (BASF) : Si l’on considère l’empreinte carbone d’un aspirateur sans sac, selon les données publiées par l’Ademe, l’empreinte en CO2 serait de l’ordre de 43 kgs de CO2, ce qui comprend l’impact depuis la fabrication jusqu’à la commercialisation du produit. La fabrication d’une pièce de rechange qui n’excède pas 100 gr de matière, a une empreinte carbone carbone qui n’excède pas 500 g de CO2, sur l’ensemble des technologies de fabrication additives polymère que nous utilisons (Filament, poudre ou résine). Il paraît donc certain que réparer, et notamment réparer au travers de la fabrication additive est considérablement plus écologique.
Pierre-Jacques Lyon (Marklix) : C’est économiser l’impact du bien neuf, de sa production à son transport. L’Ademe a effectivement bien étudié l’impact de différents produits et mis des chiffres sur des produits du quotidien. Il faut ajouter à cela le recyclage du bien ancien.
Prenant en compte la production des stocks, le transport ainsi que les pertes de pièces détruites. La production on-demand est-elle réellement moins polluante qu’un stockage de pièces ?
Sylvain Haasser (Groupe SEB) : Nous n’avons pour le moment pas réalisé d’étude complète sur ce sujet. L’impression 3D fait réellement sens pour des quantités restreintes et en particulier quand les moyens de production conventionnels ne sont plus aptes à réaliser des pièces ou lorsque l’acheminement logistique est trop complexe. Il est néanmoins certain que la fabrication « à la demande » permet de réduire le risque d’obsolescence du stock auquel nous sommes confrontés dans le milieu du SAV.
Nicolas Mathian (BASF) : Je pense que la réponse dépend beaucoup des quantités à produire. Les procédés traditionnels sont souvent contraints par des quantités minimums de commande élevées, et constituent la principale contrainte pour la fabrication de pièces de rechange en faible quantité. Si l’on parle de moulage par exemple, il faut également que l’outillage soit toujours disponible. Même si le procédé de moulage pourrait paraître plus écologique pour de la fabrication en grande quantité, la fabrication à la demande, grâce à sa souplesse, permettra dans de nombreuses occasions de fabriquer juste les quantités nécessaires, avec un rapport impact environnemental / risque très favorable.
Pierre-Jacques Lyon (Marklix) : J’ai tendance à penser que oui. Si produire “on-demand” signifie également localement au plus proche du besoin. C’est économiser la production, le transport, le stockage et la potentielle incinération qui même si <modérée, une pièce détachée est-elle réellement un combustible idéal restituant beaucoup de chaleur ? La question devient plus complexe si produire cette pièce en FA pollue plus qu’avec le procédé traditionnel. C’est bien souvent le cas, mais pour des petites séries. Il faudrait donc intégrer la FA dans la supply chain et parvenir à bien doser la partie “on-demand” de la partie “stock” sans partir dans des extrêmes dans un cas comme dans l’autre.
Les pièces d’occasion sont-elles une autre solution ?
Sylvain Haasser (Groupe SEB) : Toutes les réparations effectuées dans notre réseau de 6 200 centres de réparation agréés dans le monde sont réalisées avec des pièce neuves. Nous suivons avec attention les travaux en ce sens. Actuellement, et au travers de notre centre de réparation social RépareSeb à Paris, nous commençons le reconditionnement et la réparation de produits provenant de notre SAV en utilisant dans certains cas des pièces démontées d’autres produits. Mais l’utilisation de pièces d’occasion n’est pas évidente et vient avec son lot de contraintes.
Nicolas Mathian (BASF): Bien sûr ! En revanche, si les appareils sont anciens, et pour ce qui est des matériaux polymères, et au vue des problématiques de stockages, et de la dégradation naturelle des polymères, cette solution est parfois limitée.
Pierre-Jacques Lyon (Marklix) : C’est certainement la solution la plus respectueuse de l’environnement car elle se contente d’utiliser ce qui est déjà produit au lieu de produire davantage. Mais trouver une pièce détachées d’occasion n’est pas évident et une supply chain plus résiliente ne peut s’appuyer sur ce principe pour produire les biens de demain. Les pièces d’occasion proviennent nécessairement de produits non réparés et dont on extrait les pièces, ce qui s’oppose à l’effet recherché. C’est une solution pour les produits d’hier, quand cela est possible, mais pas une solution pour les produits de demain.