Chaussures imprimées en 3D : une révolution

Chaussures imprimées en 3D: Deux expertes nous parlent de cette révolution

Posted By Lucie Gaget on 22/11/2017 | 0 comments

Il y a quelques semaines, Marine Core-Ballais, Deputy CEO de Sculpteo, a été invitée pour participer à la conférence Première Vision, à Paris, où elle a notamment abordé le sujet des chaussures imprimées en 3D. Deux expertes de ce sujet ont mené cette conférence : Nathalie Elharrar et Aurélie Besombes, toutes les deux expertes en fabrication de chaussures, et plus généralement, de l’industrie de la chaussure.

Pour aller plus loin, nous avons discuté avec elles de l’avenir de l’impression 3D pour les chaussures. D’après elles, cette technologie peut considérablement modifier l’industrie de la chaussure telle que nous la connaissons aujourd’hui. Découvrez de quelle façon, dans cette interview.

 

Pouvez-vous vous présenter, ainsi que votre parcours ?

Aurélie: J’ai d’abord fait une école de mode et de direction artistique, mais j’ai rapidement ressenti le besoin de faire. Je me suis donc formée pendant 4 ans chez des bottiers, je suis du coup très spécialisée dans la chaussure. J’ai ensuite eu l’opportunité d’aller travailler en Chine où j’ai fait l’audit de toute la zone de fabrication de chaussures d’une région pour voir comment faire évoluer ces compétences, et améliorer la qualité, tant en termes de production, de design et de communication. A mon retour, j’ai travaillé surtout avec des startups sur des projets d’innovation divers sur la chaussure. Je travaille maintenant avec Nathalie depuis un an sur de multiples projets liés à la chaussure.

Nathalie : J’ai pour ma part fait les Beaux Arts de Toulouse en design industriel, puis l’AFPIC, école où j’ai appris à faire du design et du modélisme de chaussures et de maroquinerie. J’ai ensuite travaillé à la conception et à la production d’accessoires pour de grandes maisons comme Balmain, Michel Klein, Guy Laroche, Mugler et Lagerfeld, à la fois sur le plan créatif et technique. J’ai ensuite créé ma propre entreprise il y a 12 ans, avec ma première marque, Larare. J’ai ensuite créé Maison Larare, une structure de conseil et de design, ainsi que ma deuxième marque Jour Férié Paris.

 

Quand avez-vous découvert l’impression 3D ? Qu’en avez-vous initialement pensé ?

Nathalie : J’ai découvert l’impression 3D pour la première fois en 2000. Initialement, les premiers projets m’avaient laissée froide car ils étaient trop technologiques, et surtout peu réalistes pour fabriquer un produit d’usage quotidien au delà d’une paire de chaussures inconfortable au possible. Mon premier contact a donc été assez critique, mais j’ai été consciente dès le début que des évolutions positives pourraient avoir lieu. Il fallait notamment que les matériaux correspondent aux contraintes et que les prix deviennent plus accessibles.

Aurélie : J’ai découvert l’impression 3D directement dans un atelier de prototypage de chaussures. J’en avais déjà entendu parler, mais ça a été mon premier contact physique. Mon retour a été plus pratique : j’ai directement constaté la difficulté à élaborer un modèle 3D qui respecte la cambrure du pied au niveau de la semelle. Cette technologie me semblait donc valable pour un prototype à la vue, mais pas pour de l’essayage.

Nathalie : Pour synthétiser, l’impression 3D devait encore être perfectionnée à l’époque. Il n’y avait ni les bons matériaux, ni les bonnes technologies d’impression pour concevoir de vraies chaussures imprimées en 3D.

 

Les chaussures imprimées en 3D : où en est-on aujourd’hui ?

Nathalie :  A l’heure actuelle, il faut combiner plusieurs techniques de fabrication pour que le résultat soit abouti. En effet, l’impression 3D ne suffit pas à elle seule à produire une chaussure. Plusieurs logiciels de modélisation 3D spécialisés permettent de tenir compte de toutes les contraintes liées à la chaussure et de réaliser un modèle complet. On peut ensuite imprimer un soulier qui corresponde à une réalité. Mais il ne sera pas vraiment utilisable dans la réalité, ce sera plutôt un prototype à la vue. Le problème ne vient pas tant de l’aspect (de nombreuses librairies de matières permettent d’obtenir le rendu désiré), mais on ne peut pas encore imprimer un matériau qui permettent de faire à 100% une chaussure utilisable : certaines parties sont encore difficilement imprimables comme la tige. On a notamment des problèmes de solidité et de flexibilité.

Adidas 3D printed shoe

The 3D printed sole from Adidas, coming out of the CLIP 3D printer

En revanche, on a vu avec des exemples comme celui d’Adidas ou de Phits qu’on peut imprimer en 3D une semelle parfaitement utilisable, qui sert à produire une chaussure durable et viable. L’impression 3D est également très utile pour réaliser des talons. C’est notamment ce que fait l’architecte Janne Kyttanen. Il a conçu toute une série de semelles compensées très créatives, avec une tige faite de façon traditionnelle. Cette technologie est donc très utile pour réaliser des composants, mais pas encore une chaussure entière. Elle permet notamment de réaliser des pièces importantes qui font toute la personnalité de la chaussure et qui ne pourraient exister sans l’impression 3D.

Jane Kyttanen 3D printed shoes wedges

Jane Kyttanen’s 3D printed shoes

 

Quelle est selon vous la démarche la plus aboutie d’impression 3D de chaussures ?

Nathalie : Sans hésiter, je dirais que c’est celle de Feetz. Leur technologie brevetée permet de créer une tige avec un fil élastique imprimé en 3D tricoté. Le résultat a une bonne capacité de durée de vie et peut être commercialisé. C’est à mon sens la seule entreprise qui a réussi à en faire un modèle économique viable.

Feetz 3D printing shoe business

Through Feetz’s website, you can get your own custom-made 3D printed shoes

 

Quelle valeur ajoutée l’impression 3D apporte-t-elle aux marques ?

Nathalie : Elle permet d’abord d’explorer de nouvelles formes. Actuellement, c’est aussi un outil marketing afin de montrer que la marque est innovante, mais peut être plus pour longtemps car la technologie se diffuse. Dans certains cas, l’impression 3D permet également de développer de nouvelles typologies de produits.

Aurélie : L’impression 3D permet également de faire diminuer certains coûts vis à vis de nouveaux besoins comme la personnalisation, un élément clé dans la mode d’aujourd’hui mais qui est très contraignant. L’industrie n’a pas encore développé de type de production qui corresponde à cette demande. Feetz est ici un bon exemple avec leur application de scan qui permet de réaliser des chaussures sur mesure.

Nathalie : En effet, l’impression 3D permet de faire émerger une vraie innovation dans les modèles économiques : on est à flux tendu vers le consommateur, et on peut personnaliser les produits. La logique de flux tendu et d’absence de stocks est encore plus poussée si on fait appel à un service d’impression 3D comme Sculpteo car il n’y a pas d’investissement dans des machines.

 

Et quelle est la valeur ajoutée pour les clients ?

Aurélie : Le premier avantage majeur est la personnalisation. Les clients sont de plus en plus en demande de produits adaptés à leurs besoins personnels.

Nathalie : L’aspect écologique est aussi un argument de poids. En effet, de plus en plus de personnes souhaitent acheter des produits sans cuir et qui peuvent être recyclables. C’est un des éléments de grande intelligence de Feetz : vous pouvez renvoyer votre paire usagée et elle sera fondue, avec d’être recyclée en une autre paire de chaussures.

 

Pensez-vous plutôt que les chaussures imprimées en 3D seront un projet de grandes marques, ou de petits créateurs ?

Nathalie : Ce sera surtout un projet de startups, mais les grandes marques seront aussi très liées aux chaussures imprimées en 3D. Elles récupèrent toujours les innovations majeures et les réinterprètent selon leurs valeurs. Par exemple, je ne donne pas 3 ans à Chanel avant d’imprimer en 3D des chaussures ou des sacs, surtout vu l’identité de Chanel, très portée sur la pop culture.

Vous êtes intéressés par les chaussures imprimées en 3D et la façon dont elles révolutionnent l’industrie ? Allez plus loin avec nos articles: 

Transférez un fichier
Transférez un fichier
Plus de contenu en anglais
En voir plus
Contenu disponible en